La voix des glaces
Joan Sullivan
Robin Servant
Exposition | Du 24 février au 31 mars 2023
LA VOIX DES GLACES est une installation participative qui vise à immerger le public au cœur des enjeux environnementaux par le biais d’une approche poétique de trois sens : la vue, l’ouïe et le toucher.
Une collaboration entre la photographe Joan Sullivan et l’artiste sonore Robin Servant, LA VOIX DES GLACES invite le public à « voir » les changements climatiques autrement : à travers le toucher et l’ouïe. Les artistes encouragent tous les visiteurs — voyants et non-voyants — à toucher le texte en braille des derniers rapports du GIEC, qui est en relief sur une vingtaine de photographies abstraites de la glace fluviale. Le geste est symbolique. En touchant le relief en braille, les visiteurs déclenchent des enregistrements sonores de l’hiver et du sous-marin lorsque les blocs de glace se déplacent et se fissurent dans les vagues et les marées. Ces « voix des glaces » sous-marines, captées par Robin à l’aide de plusieurs types de microphones (hydrophones, micros contact et micros traditionnels) sont étranges et fascinantes. Elles nous déstabilisent, nous entrainent dans un vortex évocateur, nous poussent à écouter plus attentivement. Nous nous retrouvons à imaginer ce que la glace fluviale en voie de disparition essaie de nous dire.
Derrière ces voix, l’espace de la galerie baigne dans une ambiance sonore générative créée à partir d’extraits audios des rapports du GIEC, lus par une diversité de lecteurs d’âges différents en trois langues : français, anglais et mi’kmaw.
Les photographies de Joan, qui explorent l’aspect fragile et éphémère de la glace fluviale, sont suspendues du plafond en plein centre de la galerie et disposées comme les gros blocs de glace dans la banquise, autour desquels les visiteurs peuvent circuler librement. Ces photos en grand format sont accrochées suffisamment près du sol pour que les enfants et les visiteurs en fauteuil roulant puissent facilement toucher le relief en braille. Les courants d’air naturels de la galerie soufflent sur les photos doucement, augmentant la sensation — créée par la trame sonore — de nager dans la banquise avec la glace fondante.
Vivant et travaillant à Rimouski, les deux artistes collaborent avec l’Association des personnes handicapées visuelles du Bas-Saint-Laurent (APHV-BSL) pour assurer que les personnes ayant une déficience visuelle sont prises en compte pendant toutes les étapes de cette installation inédite, y compris la médiation culturelle.
Cette installation multisensorielle — une première pour chacun des deux artistes — pourrait inciter le public voyant, semi-voyant et non voyant à réfléchir sur la fugacité de notre époque angoissante, alors que nous approchons du point de bascule.
Démarche artistique
Les pratiques artistiques individuelles de deux artistes rimouskois, Joan Sullivan et Robin Servant, s’inspirent du fleuve Saint-Laurent.
Photographe autodidacte, Joan Sullivan se concentre depuis 2009 sur les changements climatiques, notamment à la transition énergétique. À la suite de ses études en pratique artistique à l’UQAR, Joan vit sa propre transition personnelle et artistique vers une démarche plus fluide, où les faits scientifiques sont ensuite portés par l’intuition. Depuis 2019, elle travaille sur une série de photographies abstraites, JE SUIS FLEUVE, qui explore, de manière phénoménologique, l’aspect éphémère de la glace fluviale dans le contexte du réchauffement planétaire. Se sentant contrainte par la photographie documentaire, Joan délaisse son trépied pour plonger symboliquement dans l’espace liminal du fleuve où jadis la glace était forte, épaisse. C’est là où elle crée : entre liquide et solide, entre chaos et sublime. Dans ces espaces transitoires, elle devient fleuve. Et ce n’est qu’en devenant fleuve qu’elle découvre des passages lumineux qui, sinon, demeureraient dissimulés à l’œil nu.
Le musicien et artiste sonore Robin Servant poursuit depuis de nombreuses années une démarche de prise de son environnemental qu’il utilise dans la création de plusieurs œuvres d’art sonores et de musique, seul ou en collaboration avec d’autres artistes, au Canada et à l’international. Persuadé que l’écoute de notre environnement sonore crée une empathie avec celui-ci, Robin écoute et enregistre beaucoup de paysages sonores du Bas-Saint-Laurent (et d’ailleurs) au cours des années. Son travail d’installation et de composition électroacoustique est ancré dans les sons issus du territoire et des gens qui l’habitent. L’expérience d’écoute des sons sous-marins à partir d’hydrophones fait apparaitre un monde totalement insoupçonné et littéralement inouï. Les sons de frictions, chocs des glaces et ruptures de banquise sont une source constante de surprises et d’émerveillement; on doit se référer à des expériences vécues ou imaginées pour les décrire.
Biographie
Robin Servant est un musicien passionné par les musiques traditionnelles, l’improvisation et la composition. Actif au sein de plusieurs groupes de musique traditionnelle (Salicorne, Tord-Vis, la Marée montante) et de musique improvisée (GGRIL, Dionée, Escarbilles, duo Haley-Servant), il cherche à tisser des liens entre les traditions populaires et les musiques actuelles. Son travail s’organise autour de deux axes : partage de l’expérience et expérience de l’instant.
Depuis de nombreuses années, il poursuit une démarche de prise de son environnemental qu’il a utilisée dans la création de plusieurs œuvres d’art sonores et de musique, seul ou en collaboration avec d’autres artistes. Persuadé que l’écoute de notre environnement sonore crée une empathie avec celui-ci, il souhaite mettre de l’avant le concept de philophonie : la connaissance par le son.
Joan Sullivan est photographe, écrivaine et fermière biologique dans le Bas-Saint-Laurent. Formée à l’origine en santé publique, elle a passé près de deux décennies en Afrique à travailler avec des organisations internationales sur l’épidémie de VIH avant de revenir au Québec en 2007 pour se consacrer à plein temps à la photographie. Pendant 10 ans, elle a documenté la transition énergétique au Canada; ces images ont été exposées dans les expositions collectives au Québec, en Angleterre et en Italie. À la suite de ses études en pratique artistique à l’UQAR (2019-2021), son regard photographique a évolué du documentaire à l’abstraction, un nouveau langage avec lequel elle exprime son angoisse causée par l’insouciance collective face aux bouleversements climatiques. Son projet en cours JE SUIS FLEUVE explore, de façon phénoménologique, la disparition de la glace fluviale comme métaphore d’un monde en profonde mutation.
Prix et distinctions
Joan Sullivan
Remerciements
Cette installation n’aurait pas été possible sans le précieux soutien de nos collaborateurs à Québec : Centre VU, La Chambre Blanche et Engramme.
Nous remercions aussi le Conseil des arts du Canada.
Crédit photo : Joan Sullivan