AU MILIEU DES BUREAUX EMPILÉS est un projet interdisciplinaire né de la conviction qu’il est impératif de peupler les écoles de ces conversations singulières où la parole tente de refaire la société. Le projet aspire ainsi à crédibiliser la voix des jeunes en ce qui a trait au débat actuel sur l’éducation afin de leur permettre de se réapproprier le pouvoir associé à leur parole.
Le projet de longue haleine, démarré en 2018, s’est construit en cinq cycles successifs qui ont permis de réunir 13 écoles de trois pays différents : Montréal (2018) ; Carleton-sur-Mer (2019) ; Ebnat-Kappel, Wil et Wattwil en Suisse (2019) ; Lévis (2019) et Londres au Royaume-Uni (2022).
Chaque phase du projet s’amorce selon un protocole prédéfini. L’artiste infiltre des écoles secondaires en offrant d’animer une série d’ateliers de discussions et de dégustation de thé avec un groupe d’élèves intéressé·e·s durant 4 à 8 semaines. Elle détourne ainsi l’utilisation d’une salle de classe afin de créer un espace se voulant sécuritaire et non hiérarchique afin de permettre aux étudiant·e·s de repenser le système scolaire à l’intérieur même de l’institution responsable de son application.
Avant chaque discussion, l’artiste transforme la salle de classe à l’aide d’une installation qui se substitue au mobilier scolaire et modifie le rapport des jeunes à l’espace. Avec l’autorisation des participant·e·s, elle utilise une enregistreuse audio afin de documenter les ateliers et de créer des ponts entre les différentes communautés. Au début de chaque atelier, tou·te·s écoutent ensemble des extraits d’une conversation issue d’une autre école: ces paroles transposées d’une classe à l’autre servent de point de départ pour les nouveaux échanges. Au fil du projet, les jeunes tissent ensemble une archive vivante qui entremêle leurs expériences et leurs idées; manifestant leur désir de changement.
De retour à l’atelier après ses visites dans les écoles, Anouk Verviers réécoute les enregistrements des conversations afin de dessiner la structure des échanges selon un protocole défini où les interlocut·eur·rice·s sont réparties autour du cercle et chaque intervention est inscrite sous forme de ligne. L’ensemble de la conversation est ainsi condensé en une seule image qui matérialise les symétries et les déséquilibres dans les échanges ; révélant la valeur esthétique de la conversation. Elle partage ensuite ces dessins avec les jeunes participant·e·s afin que tou·te·s puissent échanger sur les dynamiques de pouvoir qui font surface lorsqu’on se réunit pour échanger collectivement sur un enjeu particulier.
Dans la salle d’exposition, cinq postes de visualisation, une œuvre vidéo, les carnets de l’artiste et des objets tirés du projet tissent une archive vibrante et multisensorielle du projet de longue haleine. Chacun des postes de visualisation permet un contact privilégié avec un des groupes d’élèves ayant participé au projet : Carleton-sur-Mer, Montréal, Londres, Wil et Wattwil.
En contemplant les structures des échanges tracées sur le papier translucide, les visit·eur·rice·s découvrent des extraits sonores des conversations ayant mené à ces dessins. Leur écoute offre un contact intime et privilégié avec les débats, les récits et les idées des étudiant·e·s. En passant d’un poste à l’autre, on ressent les différences de dynamique, de rythme, de préoccupations et d’approche des différents groupes et donc, des différentes communautés représentées, mais aussi les revendications et les expériences communes qui émergent et semblent transcender les barrières linguistiques, les frontières et la distance.
L’artiste sera en résidence sur place durant toute la durée de l’exposition afin d’intégrer de nouvelles écoles de la région au projet et de permettre la tenue de nouveaux ateliers de conversations dans ces écoles.